Qu'est-ce qu'une curatelle ?
La curatelle est une mesure d'assistance (plus que de contrôle) et de protection juridique de la personne. Elle se situe entre la sauvegarde de justice et la tutelle des majeurs :
- elle n'est prononcée que si la sauvegarde de justice ne s'avère pas suffisante ;
- si elle a besoin d'être renforcée, le juge peut décider de la transformer en tutelle.
Les fonctions de juge des tutelles des majeurs sont assurées depuis le 1er janvier 2020 par le juge des contentieux de la protection, qui est un juge spécialisé du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité (article L. 213-4-1 du Code de l’organisation judiciaire).
Pour protéger un majeur, le juge des contentieux de la protection nomme un curateur : il sera chargé d'assister la personne placée sous curatelle. Il n'intervient que dans les actes les plus importants dits actes de dispositions.
La curatelle comprend différents degrés :
- Curatelle simple : la personne peut effectuer la majorité des actes de la vie mais a besoin de se faire représenter par son curateur pour les actes les plus importants.
- Curatelle aménagée : le juge se réserve le droit de modifier à tout moment les limites de la protection. Selon les besoins, il donne plus ou moins de liberté à la personne.
- Curatelle renforcée : le curateur s'occupe également de la gestion des revenus de la personne et fixe les dépenses.
Qui est concerné ?
Peuvent être placés sous curatelle, tous majeurs qui se retrouvent temporairement dans l'incapacité d'exprimer seuls leurs volontés, à cause :
- d'un handicap ;
- d'un accident ;
- d'une maladie ;
- de problèmes liés au grand âge ;
- d'une dépendance à l'alcool ou à la drogue...
Ces altérations physiques ou mentales doivent être médicalement prouvées.
Quelles procédures effectuer pour une demande de curatelle ?
Qui peut en faire la demande ?
La mise sous curatelle peut être demandée que par des personnes spécifiques :
- la personne qui a besoin d'être protégée elle-même ;
- un proche qui entretient avec le majeur à protéger des liens « étroits et stables » comme un conjoint, un époux, un membre de la famille, un ami, etc ;
- la personne exerçant déjà une mesure de protection juridique sur la personne ;
- le procureur de la République qui agit soit de sa propre initiative, soit à la demande d'un tiers comme un travailleur social, un médecin, etc.
Bon à savoir : aucun formalisme n'est exigé pour la demande de mise sous protection d'une personne majeure. Les faits appelant cette protection doivent être clairement énoncés, et peuvent être exposés dans les documents annexés à la requête (Cass. 1re civ., 24 janvier 2018, n° 17-10.262).
Important : pour faire appel d'un jugement, la personne placée sous curatelle doit faire appel sous 15 jours par une lettre envoyée – en recommandé avec accusé de réception – au service de greffe du tribunal.
Comment déposer sa demande ?
Pour faire une demande, il faut saisir le juge des contentieux de la protection et déposer un dossier qui présente au minimum:
- l'identité de la personne à protéger ;
- les faits qui appellent cette demande de protection ;
- l'identité et les coordonnées du demandeur ainsi que ses relations avec la personne ;
- un certificat médical circonstancié sous pli cacheté qui décrit les altérations subies par la personne, ses conséquences et ses possibles évolutions ;
- dans la mesure du possible, il sera également joint une liste de son entourage et de leurs coordonnées.
La demande doit être adressée (par recommandé avec avis de réception) au greffe du tribunal dont dépend le lieu de résidence du majeur à protéger.
Important : un certificat médical circonstancié coûte 160 € et ne peut être établit que par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.
Examen du dossier
Le juge a une année pour traiter la demande avant qu'elle ne devienne sans effet. En attendant, le juge peut décider de placer la personne sous sauvegarde de justice.
Pour instruire son dossier, le juge peut auditionner :
- la personne à protéger, sauf si son état de santé ne le permet pas ;
- les proches de cette personne ;
- le requérant ;
- des experts.
Bon à savoir : c'est le juge qui décide de la mesure de protection à appliquer entre curatelle, tutelle ou sauvegarde de justice.
Les effets de la curatelle
Il existe trois catégories d'actes juridiques :
- Les actes d'administration relèvent des affaires courantes : vente ou achat de meuble, gestion des comptes courants, signature de bail...
- Les actes de conservation permettent de conserver des biens et les droits qui y sont rattachés (travaux d'entretien, contrat d'assurance, paiement de charge, etc.).
- Les actes de disposition engagent le patrimoine d'une personne comme un emprunt, une vente ou un achat immobilier...
Seuls les actes de disposition ne sont pas faisables de façon autonome par le majeur sous protection. Cependant tous les actes qu'il a passés sans l'accord de son curateur sont susceptibles de se voir annulés s'ils s'avèrent préjudiciables.
Avant le 25 mars 2019, le majeur sous curatelle devait obtenir l’autorisation de la personne chargée de sa protection pour se marier. Suite à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la personne vulnérable informe simplement par avance son curateur de son projet de mariage, celui-ci pouvant s'y opposer s'il estime qu'il existe un risque pour la personne protégée.
Bon à savoir : en cas de curatelle renforcée, c'est le curateur qui gère les comptes et les dépenses du majeur protégé. Cependant, un curateur ne peut pas procéder à la modification ou la clôture d'un compte bancaire au nom de la personne protégée, ni effectuer un changement de banque. Par conséquent, même s'il s'agit simplement d'accompagner la personne protégée dans ses démarches, le curateur doit demander l'autorisation du juge (Cass. 1re civ., 6 décembre 2018, avis n° 15016). À noter que la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l'article 427 du Code civil : désormais, le tuteur ou le curateur peut ouvrir un autre compte dans le même établissement bancaire sans l'autorisation du juge.
À noter : un juge peut prononcer, à l’égard d’un parent, une interdiction pure et simple d’entretenir une relation avec un majeur protégé dès lors que la rupture totale du lien familial est justifiée par l’intérêt du majeur protégé (Cass. 1re civ., 24 juin 2020, n° 19-15.781).
Le acteurs de la tutelle
Pendant l'audience, le juge nomme une ou plusieurs personnes pour s'occuper du majeur à protéger.
Le curateur
Dans le cadre d'une curatelle, le curateur ne peut agir sans le consentement de son protégé et celui-ci ne peut agir sans son consentement au risque de voir ses actions annulées.
Un ou plusieurs curateurs sont nommés pour assurer la protection de la personne. Les curateurs sont nommés en priorité dans l'entourage de la personne à protéger.
Nommer plusieurs curateurs permet de partager les charges qui incombe à cette mission. Par exemple, un curateur peut s'occuper de gérer le patrimoine pendant que l'autre s'occupe de la protection de la personne.
Si personne ne peut pourvoir à cette tâche, le juge fait appel à un professionnel nommé « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ».
Bon à savoir : une personne majeure placée sous curatelle peut effectuer une donation au profit de son curateur dès lors que la mesure de protection est confiée à un membre de la famille. En revanche, si le curateur est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, une donation à son profit par le majeur protégé est interdite (Cass. 1re civ., 17 octobre 2018, n° 16-24.331).
À noter : le Code de procédure pénale impose l’obligation d’avertir le curateur lorsque le majeur protégé fait l’objet de poursuites pénales ou de certaines alternatives aux poursuites. Le Conseil constitutionnel ajoute que cette même obligation doit être remplie en cas de perquisition au domicile d’un majeur protégé (C. constit., n° 2020-873, QPC 15 janvier 2021).
Le subrogé curateur
Un subrogé curateur est souvent nommé pour surveiller les actions passées par le curateur. Il intervient également dans les situations où un conflit d'intérêt pourrait survenir entre le curateur et son protégé.
Bon à savoir : s'il n'y a pas de subrogé curateur, le juge peut nommer dans certaines situations un curateur ad hoc afin d'éviter les conflits d'intérêt entre le curateur et la personne qu'il protège.
La durée de la curatelle
Sa durée est décidée par le juge mais elle ne peut pas dépasser 5 années. Néanmoins :
- si le juge constate la nécessité de prolonger la mesure, il peut – sur avis médical – la renouveler ;
- ou, au contraire, s'il est prouvé que la protection n'est plus nécessaire, il peut aussi mettre fin à la mesure.
Bon à savoir : en cas de décision du juge de lever la mesure de protection, seule la personne qui avait initialement demandé la mesure de protection ou la personne qui en avait demandé la mainlevée peut faire appel de cette décision (Cass. 1re civ., 24 mai 2018, n° 17-18.859).
À noter : lorsqu'une personne est placée sous curatelle, une mention est apportée à l'acte de naissance pour le préciser.