Lorsqu'une personne majeure n'est plus jugée apte à se défendre seule, on la place sous la protection d'un tuteur.
Une protection juridique à la personne est appliquée lorsqu'une personne majeure est jugée incapable de défendre seule ses intérêts. Cette protection peut prendre plusieurs formes :
- la curatelle ;
- la sauvegarde de justice ;
- les mesures d'accompagnement ;
- tutelle des majeurs.
Les fonctions de juge des tutelles des majeurs sont assurées depuis le 1er janvier 2020 par le juge des contentieux de la protection, qui est un juge spécialisé du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité (article L. 213-4-1 du Code de l’organisation judiciaire).
En quoi consiste la tutelle des majeurs ?
Une personne placée sous tutelle est pratiquement considérée comme mineur. Tous ses actes doivent être gérés par un tiers : le tuteur.
Décisions possibles du majeur sous tutelle
Le majeur sous tutelle peut faire seul des actes de la vie courante ou alors strictement personnels comme :
- choisir son lieu de résidence ;
- changer d'emploi ;
- choisir un concubin ;
- accomplir des actes d'autorité parentale.
Un majeur sous tutelle peut présenter seul sa demande de carte nationale d’identité sous réserve d’en informer préalablement son tuteur. Il doit en outre présenter une attestation de son tuteur précisant qu’il a été informé de la démarche. La carte nationale d'identité du majeur en tutelle comporte sa signature. Si le majeur en tutelle est dans l'incapacité de signer son titre, sa carte nationale d'identité comporte la signature du tuteur (arrêté du 13 mars 2021).
Si d'autres actes administratifs plus importants sont passés sans l'accord du tuteur, ils pourront être annulés. Il en est de même pour les actes pourtant autorisés sans l'accord du tuteur, mais qui s'avéreraient préjudiciables.
Suite à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le majeur sous tutelle peut exercer son droit de vote (article L. 72-1 du Code électoral). Il peut, par ailleurs, donner procuration à la personne de son choix (sauf au mandataire en charge de sa protection, à un salarié ou bénévole de l'établissement d'accueil dans lequel il se trouve ou encore à un salarié à domicile).
Protection du majeur sous tutelle
Le majeur sous tutelle se verra empêché de faire seul de nombreux actes. C'est son tuteur qui est chargé de faire tous les actes d'administration ou de conservation à sa place. Le tuteur protège le majeur ainsi que ses biens.
Le tuteur peut seul :
- gérer les comptes et les transactions courantes ;
- s'occuper de l'entretien du majeur (habillement, nourriture, etc.) ;
- entretenir les biens immobiliers ;
- vendre ou acquérir de biens courants ;
- prendre des assurances, etc.
Bon à savoir : le Code de procédure pénale impose l’obligation d’avertir le tuteur lorsque le majeur protégé fait l’objet de poursuites pénales ou de certaines alternatives aux poursuites. Le Conseil constitutionnel ajoute que cette même obligation doit être remplie en cas de perquisition au domicile d’un majeur protégé (C. constit., n° 2020-873, QPC 15 janvier 2021).
Pour des affaires qui peuvent avoir une incidence à long terme – les actes de disposition – c'est le conseil de famille ou le juge qui décide :
- la vente de biens immobiliers ou mobiliers de valeur ;
- d'une demande d'emprunt.
À noter : la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a voulu donner plus de place à la volonté du majeur protégé. En matière de mariage, la personne vulnérable informe seulement par avance son tuteur de son projet, celui-ci pouvant s'y opposer s'il estime qu'il existe un risque pour la personne protégée. Pour signer une convention de PACS, le majeur en tutelle est désormais seulement assisté de son tuteur, et aucune autorisation préalable du juge n'est nécessaire. En matière de divorce, le majeur protégé peut accepter seul, sans assistance et malgré un système de représentation à son profit, le principe de la rupture du mariage. Seul le divorce par consentement mutuel lui est interdit. Dans l'instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur (article 249 du Code civil).
Pour éviter les abus, le tuteur doit faire un compte rendu annuel de sa gestion, et il est également d'usage de faire un inventaire au commencement et à la fin de la tutelle.
Bon à savoir : un tuteur ne peut pas procéder à l'ouverture, la modification ou la clôture d'un compte bancaire au nom de la personne protégée, ni effectuer un changement de banque. Par conséquent, même s'il s'agit simplement d'accompagner la personne protégée dans ses démarches, le tuteur doit demander l'autorisation du juge (Cass. 1re civ., 6 décembre 2018, avis n° 15016). La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l'article 427 du Code civil : désormais, le tuteur ou curateur peut ouvrir un autre compte dans le même établissement bancaire sans l'autorisation du juge.
À noter : un juge peut prononcer, à l’égard d’un parent, une interdiction pure et simple d’entretenir une relation avec un majeur protégé dès lors que la rupture totale du lien familial est justifiée par l’intérêt du majeur protégé (Cass. 1re civ., 24 juin 2020, n° 19-15.781).
Tutelle majeur : qui est concerné ?
La tutelle des majeurs est la plus contraignante des protections juridiques à la personne, c'est pourquoi elle n'est décidée par le juge qu'en derniers recours. Pour que soit instaurée une tutelle des majeurs, elle doit être justifiée médicalement par :
- une altération des capacités mentales de la personne à protéger ;
- une importante altération de ses capacités physiques l'empêchant d'exprimer sa volonté.
La mesure de tutelle est individualisée pour chaque cas en fonction du degré d'altération des facultés du majeur.
Les tuteurs
Lorsque la tutelle est accordée, le juge nomme plusieurs personnes afin d'aider le majeur placé sous tutelle :
- Le tuteur ou les tuteurs doivent prendre en charge la protection de la personne ainsi que son patrimoine. Ils sont en priorité désignés parmi ses proches.
- Un subrogé tuteur peut également être nommé pour surveiller les actions des tuteurs et intervenir en cas de conflit d'intérêt.
- Si aucun subrogé tuteur n'est nommé, le juge désignera – pour intervenir en cas de conflit d'intérêt – un tuteur ad hoc.
- Parfois, il est aussi constitué un conseil de famille de 4 à 6 membres afin de seconder les tuteurs dans leurs rôles mais aussi de les élire.
À noter : si aucun tuteur ne peut être désigné, c'est un professionnel appelé mandataire judiciaire à la protection des majeurs qui interviendra.
Comment demander une mise sous tutelle ?
Pour demander une tutelle, il faut avancer les preuves d'une incapacité à être indépendant.
À noter : l'établissement d'une tutelle entraîne une modification de l'acte de naissance de la personne protégée, où il est apporté une mention qui spécifie la mise sous tutelle.
Les conditions de la tutelle des majeurs
Toute demande doit être faite au juge des contentieux de la protection (ex-juge des tutelles) qui est rattaché au lieu de résidence du majeur à protéger. Un dossier doit accompagner la demande, contenant :
- l'identité de la personne à protéger ;
- un certificat médical circonstancié qui prouve l'altération des facultés mentales ou physiques du majeur et décrit leurs conséquences et leurs possibles évolutions dans le temps.
- Une explication des faits qui amènent à cette demande de protection ;
Pour rendre son jugement, le juge devra auditionner le majeur à protéger, sauf ci cela est médicalement impossible.
La durée de la tutelle ne peut excéder 5 ans. Néanmoins, après avis du médecin et sur décision spécialement motivée, le juge peut décider d'une durée plus longue (n'excédant pas 10 ans) si l'état du majeur est jugé définitif (article 441 du Code civil).
Bon à savoir : le juge peut renouveler cette mesure pour la même durée. En l'absence d'amélioration envisageable de l'état de l'intéressé, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin, renouveler la mesure pour une durée plus longue n'excédant pas 20 ans (article 442 du Code civil).
Important : un certificat médical circonstancié coûte 160 € et ne peut être établi que par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.
Qui peut demander la mise sous tutelle d'un majeur ?
La mise sous tutelle n'est pas un acte anodin. Elle ne peut être demandée que par des personnes spécifiques :
- la personne qui a besoin d'être protégée elle-même ;
- un proche :
- le mari ou la femme ;
- un concubin ;
- un partenaire de PACS ;
- un membre de la famille proche ;
- une personne qui entretient avec le majeur des liens « étroits et stables » comme un ami ;
- la personne exerçant déjà une mesure de protection juridique sur la personne ;
- le procureur de la République qui agit soit de sa propre initiative, soit à la demande d'un tiers comme :
- un travailleur social ;
- un médecin ;
- un psychologue, etc.
Bon à savoir : aucun formalisme n'est exigé pour la demande de mise sous protection d'une personne majeure. Les faits appelant cette protection doivent être clairement énoncés, et peuvent être exposés dans les documents annexés à la requête (Cass. 1re civ., 24 janvier 2018, n° 17-10.262).
Fin de la tutelle
Si le juge en convient, la mesure peut être allégée à tout moment :
- réduction du temps de la tutelle ;
- augmentation de l'autonomie du majeur ;
- passage en curatelle.
La mesure de tutelle peut même prendre fin si elle n'est plus présumée nécessaire. Dans les autres cas, la mesure s'arrête à la fin de période convenue, s'il n'est pas décidé un renouvellement.
Bon à savoir : en cas de décision du juge de lever la mesure de protection, seule la personne qui avait initialement demandé la mesure de protection ou la personne qui en avait demandé la mainlevée peut faire appel de cette décision (Cass. 1re civ., 24 mai 2018, n° 17-18.859).
Important : s'il est à l'origine de la demande de protection ou de la demande de mainlevée, le majeur placé sous tutelle peut faire appel dans les 15 jours qui suivent le jugement par une lettre envoyée – en recommandé avec accusé de réception – au service de greffe du tribunal.
Tutelle d'une personne âgée
Avec l'âge, la perte d'autonomie est fréquente et il n'est pas rare qu'une mise sous tutelle soit envisagée par les membres de la famille. De lourdes décisions sont alors à prendre pour le tuteur, comme le choix du placement de la personne âgée en maison de retraite.
Depuis 2007, la loi a instauré un mandat de protection future. Cette démarche permet aux personnes âgées d'organiser à l'avance leurs protections dans les cas où elles perdraient leurs facultés.
Ainsi le mandant peut choisir à l'avance :
- le ou les mandataires ;
- la portée des pouvoirs des mandataires ;
- comment doit s'effectuer la gestion de ses biens, etc.
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